2016年 5月 2日

Les trilogues, ces négociations entre le Parlement européen, le conseil et la Commission européenne, concernant les dispositifs médicaux et de diagnostic in vitro, sont toujours en cours. Comme indiqué dans un précédent article, aucun résultat n'a été rendu public, à l'exception de certaines rumeurs. Nous pouvons simplement supposer que toutes les propositions sont encore en négociation. Jusqu'à la publication des documents finaux, aucune certitude n'est possible à propos de ce que seront exactement les obligations.

Supposition raisonnable

Cependant, même sans les documents finaux et avec de nombreux détails manquants, le cadre général est assez clair : les procédures d'évaluation de la conformité seront plus complexes, les fabricants devront produire plus de données cliniques pour démontrer la conformité, les activités de surveillance post-commercialisation devront répondre à des normes plus exigeantes et la gestion des données deviendra plus importante.

Pour les fabricants de DDIV, cela veut dire qu'un grand nombre d'entre eux ne pourront plus auto-certifier leurs dispositifs. L'intervention d'un organisme certificateur sera nécessaire pour la majorité des DDIV, ce qui implique que la documentation doit être d'assez bonne qualité pour un examen externe et les preuves de la démonstration de performance devront répondre à des normes plus exigeantes.

Les fabricants de dispositifs médicaux devront faire certifier à nouveau leur produits actuels, même s'ils sont sur le marché depuis des années sans aucun problème sérieux. L'ensemble actuel des données cliniques référençant les « dispositifs équivalents » pourrait devenir inutile, car l'équivalence sera limitée à des dispositifs très similaires. Outre cela, l'efficacité du dispositif devra être démontrée avec les données cliniques du dispositif lui-même. Ainsi de nombreux dispositifs pourraient devoir être testés en évaluation clinique à nouveau.

S'inquiéter ?

Il y a actuellement 61 organismes de certification agréés. Mais lors d'une récente réunion RAPS-Pays-Bas, il a été dit que la base de données NANDO (d'organismes de certification) de la Commission européenne ne suivrait plus les évolutions actuelles, et qu'il ne resterait en réalité que 41 organismes certificateurs. Il n'est à l'heure actuelle pas possible de savoir quels sont ceux qui se préparent à la nouvelle réglementation et ceux qui cesseront leurs activités dans le secteur des DM. Cela signifie que certains fabricants pourraient soudainement avoir à trouver un nouvel organisme certificateur.

Mais un problème encore plus important se profile. Les autorités européennes sont en train de créer des équipes d'auditeurs pour l'agrément des organismes certificateurs envers la nouvelle réglementation. Il est estimé qu'une fois la réglementation publiée, il faudra six mois à ces équipes pour se préparer. Puis elles pourront s'occuper d'environ 17 organismes de certification par an pendant les 2,5 années restantes de la période de transition. Le calcul est simple : il sera difficile pour la plupart des organismes de certification d'être prêt à certifier les fabricants lorsque la nouvelle réglementation entrera en vigueur.

Cela signifie-t-il que les fabricants devront être sur de longues listes d'attente pour la certification de leurs produits ? Peut-être pas....Il est possible que les fabricants concernés aient besoin de beaucoup plus de temps pour atteindre cette étape, la charge de travail élevée serait répartie sur une période plus longue car les fabricants ne sont pas en mesure de recueillir leurs données cliniques. Comme indiqué ci-dessus, ils devront procéder à davantage de recherches cliniques avec leurs dispositifs pour en démontrer la sûreté et l'efficacité. Il peut être problématique d'avoir l'approbation par un comité éthique d'un test d'un dispositif, mais le problème principal sera probablement de trouver des hôpitaux qui auront la capacité d'effectuer ces tests. Les fabricants qui essaient d'introduire leurs produits sur les marchés indien et chinois pourraient utiliser leurs résultats avec des patients locaux pour ces données cliniques. Mais ce ne sera pas une possibilité valable pour tous les dispositifs.

Parallèlement, l'ossature administrative de tout ceci devrait être le nouvel EUDAMED, le système de base de données européenne des dispositifs médicaux. Bien que je sois optimiste sur le fait qu'EUDAMED sera prêt rapidement, je sais également que la base contient peu d'entrées, jusqu'à maintenant. Passer de 33 utilisateurs (états-membres, EEA et Commission européenne) à environ 50 000 ou plus (états-membres, opérateurs économiques, citoyens, ...?) sera une grosse étape, et le montant des données à traiter à tout moment pourrait augmenter, multiplié par 50 à 100. Il s'agit d'un sérieux défi du point de vue de la gestion des données.

La vue d'ensemble finale n'est pas réjouissante : les organismes de certification ne seront pas prêts à temps, les fabricants n'auront pas suffisamment de données cliniques, ainsi des thérapies classiques ne seront soudainement plus disponibles. Et ceci peut se produire même si EUDAMED fonctionne sans difficulté majeure. Tous ces points amèneront également à un ralentissement significatif de l'introduction d'innovations sur le marché européen. Les patients européens pourraient avoir à payer chèrement ce qui était destiné à être une amélioration de la qualité et de la sécurité des dispositifs.

La température de la soupe

Aux Pays-Bas, un proverbe dit : « La soupe n'est jamais mangée aussi chaude qu'elle est servie. » Autrement exprimé, peut-être qu'il ne faut pas trop s'inquiéter des scénarios les plus sombres évoqués. Et si, au bout de deux ans de transition, il devient clair que les fabricants ne peuvent pas obtenir la certification de leurs dispositifs ? Je suis persuadé que les politiciens arrangeraient la situation et permettraient d'aplanir la plupart des problèmes liés à la transition. Nous pourrions voir des critères «d'antériorité» pour les données cliniques concernant des dispositifs connus ; les certificats pourraient voir leur validité étendue ; la capacité des équipes d'audit UE peut augmenter et EUDAMED recevoir suffisamment d'aide supplémentaire pour fonctionner correctement. Là où il y a problème, je suis certain que les hommes politiques s'en occuperont, afin de ne pas avoir à expliquer à leurs électeurs que des traitements qui sauvent des vies ne sont plus disponibles pour des questions de formalités administratives.

Conclusion

Les années qui viennent annoncent de gros défis pour le secteur. Mais notre objectif final commun, que les patients bénéficient des meilleurs traitements disponibles, devrait nous empêcher de désespérer. Alors quel que soit le problème auquel vous faites face, sachez qu'il n'est dans l'intérêt de personne de priver le marché européen de dispositifs efficaces et sûrs. Et bien entendu je garde un œil ouvert pour vous signaler toute évolution pragmatique.

Ronald Boumans est expert consultant en réglementation internationale pour le bureau Emergo aux Pays-Bas et ancien inspecteur pour l'Inspection sanitaire néerlandaise.